vois les voyelles !
Vois les voyelles !
I- Fastigiée telles des flammes, une futaie de i s'évade vers l'azur...Et dans la canopée bruyante
et sonore surgit la horde des points, qui tels d'incandescent satellites mobiles, lorgne d'en haut
la fuite du peuple des forêts sous l'incendie rageuse initié par l'orage.
U-Un océan de U hurle et roule sous le vent. Houle qui creuse la mer; lame qui va et se crête de
blancs flocons d'écume, légers comme
une mousse ; vague qui vient et qui se meurt aux lèvres
du rivage dans le tumulte de sa fougue.
Ô mer de toute ivresse dans le fracas de ses injures, les postillons de ses embruns, les pulsations
de ses marées!
Dans les débordements de tes humides flux, tu figures les choses vouées aux seules mesures du
vaste et de l'immense.
Ton
nombre est solitude et ton nom s'est perdu dans tes tièdes menstrues
ponctuant
les nuits sans lune.
O- Ô ciel comblé d'azur, chargé de nuées et piqué d'astres!
Ô pics enneigés, cimes livrées aux ailes des rapaces et baignées du tout premier rayon!
Vertige où la vie trouve son essor et son souffle!
Vertueux cercle enserrant tout verbe et tout nombre. Centre clos du mot v.o.l, contour muet
du mot cœur!
Aussi léger qu'un gaz, aussi simple qu'un son -initiale stupeur, ultime once de douceur!- tu
boucles sur nos têtes l'itineraire qui va du berceau au tombeau.
A- Sombre cachot où traînent, mélant leurs mailles de fer, des lourdes chaînes enchevêtrées.
Servitude des choses, aux prises au quotidien labeur, captives de leur pesanteur!
Charrette du châtiment roulant sa peine, roulant ses cris et ses clameurs vers l'aveugle gibet.
Et à ce carrefour les morts clament justice aux corneilles du supplice et aux monstres de l'infamie.
Terrestre sort qui chaque jour
figure celui où face aux dieux nous n'auront plus d'autres issues
que celles forées dans notre corps par la gent affamée des petits vermisseaux.
E-Suprême quintessence, secret gardé des dieux, trésor de finesse !
Multitude du vivant où sombre un peu de sang!
Profusion de l'humain dont les desseins cachés échappent à toute prédiction!
Ta violence est semblable au souffle de juillet sur un champ de colza : tiède , douce et
parfumée d'effluves et de pollens.
Troisième dimension,
avec l'I au midi, l'U au septentrion; le O à l'orient et l'A à l'occident;
tu trouves ta seule grandeur
dans un espace qui n'est qu'humaine définition des choses
offertes au long cheminement des êtres et des générations.