Des feux
Nuit! tendre comme un souffle, fraîche comme un baiser...
Tu possèdes cachée la ferveur d'un berceau et la froideur d'une tombe.
Nuit! Aveugle comme un puits, c'est du fond de ce trou que je t'écris perdu
au labyrinthe des songes dont les yeux voient dedans, un jour qui ne doit rien
aux artifices des lampes ni aux feux de l'azur.
Non! Cette flamme qui fait vivre, dans le clos de nos crânes, des pantomimes
fantasques et des chimères furtives, ne brûle ailleurs qu'en le secret de nos
cœurs éperdus et nos esprits follets.
Follets comme ces feux qui vaguent sur les eaux dans la touffeur des soirs où
s'abîment les astres. Nos cœurs dans ce désastre de noirceur et d'oubli sont tels
des eaux lentes qui pulsent en silence vers une fin attendue mais qui gardent
toujours le souvenir grisé des sources ravissantes dont ils étaient épris...
Cependant ces cœurs là ont su creuser des rives dans l'argile et la tourbe,
accepter d'autres cours et mêler d'autres eaux et mêler d'autres lits ;
mais ont toujours gardé présent parmi leurs plis la saveur et la joie du premier jaillissement
sur la pierre et la mousse dont les sens criait déjà toute la violence d'une fin
parmi le sel et l'écume ondoyante...
Jailli parmi collines,forêts, monts et marais nous suivons notre pente irrémédiablement
en songeant que peut-être un vaporeux nuage colportera un peu de cette substance
subtile -dont nous nous sommes nourris- et qu'une pluie bienfaisante déposera en terre.
A l'image de ces feux, les vaporeux nuages n'ont pour maître que le vent et pour
seuls vrais instants que naître et puis finir dans la confusion d'un éther gardant
secrets ses mouvements, soudaines ses métamorphoses.