Carnaval
Quel est ce peintre aveugle qui décrit mieux qu'un autre, les funestes tourments
des corps abandonnés aux périls du néant ?
Quel est ce musicien sourd aux bruits de la terre qui composa cet ode de vigueur et
de joie sur le destin des âmes offertes à la pesée du rigoureux censeur ?
Et quel est ce danseur plein de grâce et d'esprit qui, à l'heure fatale viendra sur nos actions
dénouer de sa parole, les entraves et les liens qui durant une vie nous ont tenu serrés,
immobiles et perclus parmi ce carnaval de couleurs et de sons, de fureurs et de tons ?
Captifs de ce cœur, lui-même prisonnier de nos seuls ossements, nous nous imaginons
la mort comme la poursuite par un autre moyen de ce que fut la vie.
Cependant que l'esprit avide et carnassier refuse à sa conscience ce que ses sens infirmes
lui permettent de penser...
Il conjecture ainsi que le hasard des choses porte une nécessité plus mystérieuse encore
que celles de nos fins. Alors qu'importe de mourir, la durée même est éphémère quand
Exister est sans mesure.