comme un arbre

				Comme un arbre

		Brutalisant les chairs, décérébrant les nerfs ; 
sommes-nous allés trop loin dans le terrible et l'infamie ?
		Quel est cet étranger figurant au miroir comme le reflet 
d'un être naissant dans l'épouvante et dans l'abominable ? L'esprit
 peut-il sauver l'apparemment vaincu par le verbe et le nombre
 des années et des rides ?

		Où réside la vertu de l'arbre centenaire ?
		Est-ce encore dans ses feuilles qui paraissent de bronze ?...
		Est-ce dans ses racines tirant à elles une eau venue 
des profondeurs ?...
Il vit debout toujours et semble figurer ce que jadis il fut et l'on peut 
reconnaître en chacun des rameaux le tremblement gracile du lointain 
abrisseau ployant sous le zéphir de son premier printemps.
		Remué par la tourmente ; fumant, fendu, blessé par le 
déferlement de la foudre en son tronc ; déraciné enfin par le délire des 
vents tournants, l'arbre expire vaillament et rend au sol qui l'a vu naître 
l'espace de sa vacance.

		L'homme est un arbre aussi, miné d'un mal étrange 
qui veut que pour fleurir, il doit abandonner au péril de son aire,
 la défense de son coeur au sort des éléments remuants et tourmentés.
		Il doit naître d'orgueil, de cruautés et de splendeurs, sur
 un sol qui avare de bénéfices et d'avantages, réclame sa part de sueur, 
de semences et de soins.
		Il doit croître d'amour vers les hauteurs d'un ciel sans borne, 
tendu vers un soleil qui cuit, un vent qui plie et une pluie qui altère et inonde.
		Il doit forcir face à la mort, fier malgré le retour des lunes 
et des saisons, le rappelant sans cesse, aux sources de son réveil, 
aux fruits de son sommeil.

		Il doit mourir enfin indifférent aux songes d'un futur 
foisonnant parmi l'absurde et le miraculeux.


inédit juillet 2006