seconde respiration
Seconde respiration ; dernier souffle d'un cri s'abîmant
dans le vide, s'égarant aux parois du labyrinthe d'arain,
se perdant dans le fond du puits de l'inconnu où meurt
toute lumière et se tait tout écho.
Expiration lointaine, terme ultime et connu, faisant
pendant au souffle qui anima la voile de l'esprit
conquérant sur l'océan des profondeurs.
Ô vent de toute vie et de toute folie !
Ô mer de toute conquête et de tout renoncement !
Ô songe de toute fin, de tout recommencement !
L'or du monde ne brille seulement qu'aux abysses
et la valeur certaine ne pèse de tout son poids qu'entre
les mains et sous l'œil noir d'un autre ou d'une autre
pareille. Miroir tourné vers l'étincelle mourrante des astres
dans la nuit -prisme sous les rais éphémères d'un soleil qui
cache sa chute, d'un rire qui masque sa défaite au froid
séjour des anciens.
C'est en sondant l'abîme qu'on mesure les hauteurs du
ciel qui nous domine et c'est en préservant la source de
son bonheur qu'on parvient à gravir les parois les plus rudes,
les à-pics les plus sévères.
L'esprit appelle la discipline aux formes du réel et au sens
du progrès mais le cœur nous condamne et foi nous invite
à d'obscurs sabbats et de fièvreuses danses qui égarent
et qui masquent à nos yeux éblouis ce que révèle l'ombre,
le silence et la paix :
La force du désir n'est que désir de force et l'abandon à
ses penchants, qu'inclination vers sa déroute..
L'humilité seule peut sauver l'humain des griffes de la soif
et des échelons de sa pente. Le sentier est étroit et des
pièges dorés en cernent les abords. Pour gravir la montagne,
il nous faut ménager nos forces et sinuer sur son versant
abrupte. L'aveugle sait mieux que le voyant les pièges de
cette route. Qui connaît le sentier par ses pieds et son
cœur évite les mirages que se forge l'esprit multipliant
l'idée de vaines illusions.
Car si l'œil imagine seule la main conçoit...et si l'œil déçoit,
l'oreille alors devine et dicte à nos pensées les secret
de nos songes.
C'est ainsi que l'image n'est entière et complète que
lorsqu'elle prend naissance dans l'ombre de la nuit pour
mourir sous les feux de deux prunelles ardentes. Sa forme
est fugace, ses couleurs éphémères mais l'empreinte qu'elle
laisse dans l'argile de nos têtes nourrit les sortilèges de son itinéraire.
Visage ! Ô beau visage !
Croqué par le crayon, fixé sur le carton par des sels argentiques,
modelé dans le marbre ou moulé dans le bronze... vous n'êtes
que passager d'un véhicule d'empreint destiné à subir le sort
qu'ont toutes choses.
La mort vous sourit et vous souriez encore !
La mort vous emporte et vous vous emportez toujours
contre le sort !
La mort vous achève -vous qui n'étiez pourtant qu'à peine
ébauché- vous voici corrompu par cette grand prêtresse
pour rejoindre l'amorphe, l'informe et l'inerte au douloureux
séjour où cesse toute douleur et où meut tout liesse.