trois fois

L'épouvante du matin, noyée d'ombres et chassée par le jour qui se lève,

glacée du scintillement des astres tels cristaux de givre suspendus à la la

voûte d'ébène, investit chaque fois le cœur de l'homme libre comme s'il s'agissait

d'une première gorgée d'air inhalée jamais...

Il souffre d'une conscience infiniment nouvelle, d'accord avec un monde vieux

du prime artefact, du premier sortilège jamais jeté par ses aînés.

L'avenir c'est le soir et la mort c'est la nuit mais il sait que demain son enfant

aura faim et il sent que le froid n'épargnera personne de ceux-là qui l'entourent.

Il n'est pas d'autres raisons que sa conscience de vivre plus loin qu'au crépuscule

et la foi dans la ronde des saisons et des lunes...

Rien d'autre que le retour de ses faims et ses sommes, de ses joies et ses

forces, de ses peines et ses songes....

Rien au monde qui n'échappe à l'usure du temps. Bêtes, plantes et puis roches

: que l'âge rend moins vives; que le froid rend moins vertes; que le jour rend

moins vierges.

Semblable à un fauve aiguillé par l'instinct et pareil au rameau que l'hiver rend

stérile , tel un astre mobile confronté au tumulte, l'homme se manifeste dans

cette tension extrême par laquelle il n'est plus que l'instrument d'un dieu dont

le masque renvoie trois figures dissemblables : facétie, cruauté et puis froideur insigne.

L'autre pour lui possède bien souvent l'épaisseur d'une ombre farouche et pâle;

parfois c'est un reflet où il peut contempler son image à l'envers; c'est toujours

un obstacle sur lequel il achoppe tantôt qui le retient à l'instant où il tombe.

Chaque être est l'autre d'un proche qu'il singe et qu'il grimace.

Chacun parfait en soi l'humain qui le surpasse.

Chacun est l'hôte d'un destin que sans cesse il pourchasse

...Sans jamais le trouver ailleurs qu'en une quête éperdue, aveugle et puis lointaine

où le fléau du temps se fixe à l'équilibre pour un instant inouï.