UNE INCONNUE
A toi
Pourrais-je t'invoquer ailleurs qu'en ma mémoire ? Toi si belle, si jeune et hardie
dont je n'ai croisé qu'un instant, le regard si sombre et brûlant !
Nous n'avons dit que quelques mots : les tiens si remplis d'une attente muette
mais cependant savante. Les miens si vides d'une connaissance se désolant de leur science.
Hier, c'est sûr j'aurais aimé passer la main dans tes cheveux, laisser sur tes
lèvres la morsure d'un désir fou et malheureux et faire de ton corps le temple
d'un adorateur de ta flamme.
L'ombre de ton aile aujourd'hui, hante les caves de mon esprit comme un mal
dont rien ne guérit.
J'ignore comment tu t'appelles et pour ne point accroître ma peine je t'ai baptisée
du prénom d'un antique démon femelle désignant quand la lune est noire, celle qui vint
avant Ève.
Ainsi Lilith ton souvenir reviendra habiter mon ire de n'avoir point su
conserver de toi la moindre réalité... Hormis l'image de mon désir, douce illusion
de tes contours et du parfum de tes soupirs.